Opt-out et brevet unitaire européen

Le brevet unitaire européen : c’est pour bientôt ! Comment gérer au mieux l’évolution de votre portefeuille brevets ?

Le brevet européen à effet unitaire (ou brevet unitaire) est pressenti pour entrer en vigueur d’ici la fin de l’année 2017, l’aléa restant toutefois entier sur le calendrier de ratification de l’Accord sur la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB), et plus particulièrement sur la ratification par le Royaume-Uni, préalable nécessaire à l’entrée en vigueur de l’Accord.

Le brevet unitaire est le nouvel instrument dont se dote l’Union Européenne dans la protection de l’innovation. L’obtention se déroulera de la même façon que pour un brevet européen, à la différence que le brevet n’éclatera pas en autant de protections nationales que de pays désignés. La couverture sera globale pour les 25 Etats Membres parties à l’Accord, et l’intégralité des actions intentées relativement à ces brevets seront soumis à la compétence d’une juridiction unique : la JUB.

A ce titre, le brevet unitaire se présente comme une nouvelle alternative au brevet européen : les titulaires de brevets auront donc la triple option entre brevet national, brevet européen classique et brevet unitaire. Au jour de l’entrée en vigueur de l’Accord sur la JUB, les brevets européens seront automatiquement soumis à la compétence de la JUB, tout en gardant le champ de protection territoriale pour lequel ils ont été déposés. Toutefois, si les titulaires souhaitent échapper à la compétence de la JUB, une procédure gratuite de dérogation dite d’ « opt-out » a été prévue. Le brevet restera alors soumis à la compétence des Tribunaux nationaux désignés initialement par le brevet européen.

Cette dérogation pourra être enregistrée auprès de l’Office dès lors que l’Allemagne et le Royaume-Uni auront ratifié l’Accord, avant même l’entrée en vigueur de ce dernier (qui s’effectuera à la suite d’un délai de 4 mois suivant ces ratifications) et ce pendant toute la période transitoire. Les titulaires de brevets européens auront donc 7 ans – soit jusqu’à l’horizon 2024 – pour exercer leur choix.

C’est donc dès à présent que la stratégie de gestion du portefeuille brevets doit être mise en place. Elle doit être appuyée d’une étude comparative des avantages et inconvénients du brevet unitaire au regard du brevet européen classique.

Le brevet unitaire présente trois principaux avantages : des coûts d’obtention et de maintien en vigueur réduits, une couverture territoriale globale et une procédure plus simplifiée.

En ce qui concerne les coûts, le brevet unitaire devrait tout d’abord permettre la disparition des frais de validation (taxes et frais de traduction) lors de la délivrance d’un brevet européen. Le brevet unitaire devrait également entrainer une réduction du montant des annuités. Selon B. Battistelli, le Président de l’OEB, il devrait permettre des économies d’environ 70% en comparaison d’un brevet européen.

En ce qui concerne la couverture territoriale du brevet unitaire, il présente l’avantage de couvrir la quasi-totalité du territoire des Etats Membres de l’Union Européenne, cœur de cible de nombreux marchés, à l’exception cependant notable de la Croatie et de l’Espagne. Cette protection sera globale, contrairement au brevet européen qui fragmentait les protections en autant de pays désignés. Enfin, l’un des principaux avantages du brevet unitaire reste la simplicité de la procédure. En effet, la procédure de dépôt sera sensiblement la même que l’actuelle procédure d’obtention d’un brevet européen et se déroulera toujours devant l’OEB : pas de difficultés administratives à prévoir, donc.

Surtout, le brevet unitaire bénéficiera d’un interlocuteur unique concernant les actions en justice – et plus particulièrement les actions en nullité et contrefaçon : la JUB. En conséquence, une action en nullité ou en contrefaçon pourra avoir des répercussions beaucoup plus importantes, étant donné que la décision de la JUB sera unifiée pour le territoire des 25 Etats Membres. Cette action unique devrait également être beaucoup moins onéreuse pour le demandeur, qui n’aura pas à multiplier les actions devant les différentes juridictions nationales. En pratique, le brevet unitaire présente donc un intérêt majeur pour le titulaire qui constate une contrefaçon dans plusieurs Etats Membres, ce qui est souvent le cas dans les réseaux complexes de contrefacteurs avec des fournisseurs et distributeurs implantés dans différents Etats.

A contrario, le brevet unitaire peut également présenter de nombreux risques pour le titulaire d’un brevet européen qui lui feront préférer le système d’opt-out : des risques juridiques d’abord, mais également le coût des actions en défense d’un brevet unitaire, le manque d’adaptation aux besoins des TPE et PME, la couverture territoriale européenne incomplète et surtout le manque d’information et la crainte de l’avenir de l’Accord sur la JUB suite au Brexit initié par le Royaume-Uni.

Aussi, la décision en nullité rendue à l’encontre d’un brevet unitaire le rendra nul sur ce même territoire, il peut alors sembler préférable de ne pas prendre ce risque. A l’inverse, bénéficier d’un brevet européen fragmenté en autant de protections nationales que de pays désignés peut être dissuasif pour un concurrent qui souhaiterait intenter une action en nullité à l’encontre du brevet : les coûts seraient nettement plus importants, la procédure compliquée et surtout le risque de décisions contradictoires maximisé. En ce qui concerne les coûts d’action en justice pour défendre son brevet unitaire, ils pourront s’avérer très onéreux, et ce même si elles peuvent également rapporter gros au titulaire. En effet, le coût pour actionner la procédure sera basé sur une taxe fixe, à laquelle il faudra ajouter une part variable pour tout litige dont le montant des dommages-intérêts demandés sera supérieur à 500 000€, ce qui peut rapidement représenter des frais importants pour le titulaire.

Les entreprises critiquent également le manque d’adaptation du brevet unitaire aux TPE et aux PME, bien que cet inconvénient soit dépendant du nombre de pays couverts par leurs brevets européens : si la protection ne s’étend pas à plus de 4 ou 5 pays européens, il sera sans doute préférable de déroger au brevet unitaire, ce dernier présentant plus d’inconvénients au vu des risques juridiques que d’avantages pécuniaires.

Aussi, il faudra garder à l’esprit que si la couverture territoriale du brevet unitaire est importante, elle reste tout de même incomplète : l’Espagne, gros exportateur des secteurs industriels et commerciaux notamment, manque à l’appel. Si le marché impacté par le brevet touche majoritairement l’Espagne, il sera également sans doute préférable d’éviter le brevet unitaire au profit du brevet européen.

Enfin, l’inconvénient majeur du brevet unitaire reste son caractère incertain : incertain quant aux décisions de la JUB, dont la jurisprudence reste entière à construire, mais aussi et surtout incertain quant à la place à donner au Royaume-Uni. La question de savoir si les Anglais vont participer à l’Accord sur la JUB reste légitime : s’ils ont affirmé en novembre 2016 qu’ils ratifieraient l’Accord, le doute reste entier sur leur position lorsqu’ils sortiront de l’Union Européenne. Souhaiteront-ils continuer à prendre part au mécanisme du brevet unitaire ou en seront-ils exclus ? Reste-t-il un véritable intérêt au brevet unitaire si les Anglais n’en font pas partie ? Même si B. Battistelli estime que l’Union Européenne saura trouver une solution et des compromis en cas de hard Brexit ou de soft Brexit, les industriels seront réticents à engager des litiges devant la JUB ou à opter pour le brevet unitaire tout en ne sachant pas quel sort sera réservé à la partie anglaise des procédures : vaut-il mieux effectuer un opt-out si le brevet européen concerne entre autres le Royaume-Uni – ce qui concerne dans la pratique la grande majorité des brevets européens – et attendre de voir comment se profilent les choses ?

En résumé, les avantages du brevet unitaire sont le miroir de ses inconvénients. S’il permet une protection simple, globale et peu coûteuse, il peut également être l’objet d’actions en justice initiées de façon centralisée, ayant une portée globale et ce pour un moindre coût.

Au vu des avantages et inconvénients, la stratégie de gestion du portefeuille brevets à mettre en place va dépendre de différentes questions propres à chaque société et à chaque brevet.

Tout d’abord, quelle est la solidité de mon brevet ? Si le brevet est très solide, avec peu de chances d’être attaqué en nullité, on pourra sans doute opter pour le brevet unitaire.

Le brevet est-il un brevet clé pour l’entreprise ? Si le brevet est très important pour l’entreprise, il sera peut-être préférable de déroger au brevet unitaire – au début tout du moins – et d’attendre l’avancée de la jurisprudence de la JUB avant de se décider.

La discrétion sur les brevets clés de l’entreprise est-elle une question prééminente ? Si oui, effectuer un opt-out sélectif sur les brevets importants permettrait aux concurrents de les connaitre. Ainsi, il conviendra d’effectuer soit une migration complète sur tous les brevets du portefeuille, soit un opt-out sur tous les brevets du portefeuille, afin d’éviter que les tiers prennent connaissance des brevets importants.

Le marché clé du brevet se situe-il au Royaume-Uni ? Là encore, il est certainement plus prudent de choisir l’opt-out en attendant l’évolution du Brexit.

Enfin, la dernière question à se poser concerne le nombre de pays désignés par le brevet européen. Si ce dernier concernait un nombre important de pays ou que le marché du brevet est en pleine extension, l’option du brevet unitaire sera moins coûteuse pour son titulaire. Toutefois, si le brevet européen ne concernait que peu de pays, l’opt-out sera préférable.

Toutefois et en dépit des deux alternatives de protection de l’innovation proposée par l’Europe, l’importance des voies nationales de protection n’est pas dénuée d’intérêt et peut s’avérer dans de nombreux cas plus avantageuse.

En conclusion, une analyse au cas par cas, par brevet et par pays, est nécessaire avant l’entrée en vigueur de l’Accord sur la JUB. A ce titre, rapprochez-vous de votre Cabinet de Conseils en Propriété Industrielle ARGYMA afin d’optimiser la gestion de votre portefeuille de brevets.


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