Les incertitudes d’ « uncertain » Brexit pour la protection des Marques, Dessins & Modèles

Tous les jours ou presque une nouvelle information sur le Brexit et ses conséquences vient confirmer ou infirmer les prédictions de la veille. Nul doute dès lors que demain viendra contredire ou renforcer cet article. Néanmoins, suite aux questions légitimes que se posent les titulaires et déposants de droit de marques et de dessins et modèle sur l’opportunité d’obtenir un titre européen et/ou un titre national anglais, un point apparaît nécessaire.

Aujourd’hui, la situation reste encore incertaine. Les modalités de l’accord de retrait entre l’Union Européenne (UE) et le Royaume-Uni ne sont pas fixées. La difficulté qui se pose est notamment lié au caractère unitaire institué en droit européen. Risquons-nous une perte des droits?

D’un point de vue du droit européen, que peut faire le Royaume-Uni ?

• Intégrer l’acquis européen au sein du droit anglais ;

• Lier les titres nationaux au sort des titres de l’UE du point de vue du Royaume-Uni ;

• Reconnaître automatiquement les décisions provenant de l’UE au Royaume-Uni ;

• Faire dépendre l’épuisement du droit au Royaume-Uni à toute première vente au sein de l’UE.

En revanche, le Royaume-Uni ne peut pas faire seul :

• Imposer du point de vue du droit de l’Union le lien créé unilatéralement entre le titre UK et le titre UE ;

• Imposer la reconnaissance automatique des décisions provenant du Royaume-Uni au sein de l’UE ;

• Imposer l’épuisement au sein des pays membres de l’UE à la suite d’une première vente au sein du Royaume-Uni.

Au regard du droit des marques, la directive 2008/95 sur l’harmonisation des marques reste applicable par le biais de la loi anglaise de transposition et le Royaume-Uni demeure membre du Protocole relatif à l’arrangement de Madrid (marque internationale). Il est même prévu la continuation des effets d’une marque internationale visant l’Europe au Royaume-Uni (article 39 du Règlement d’exécution commun à l’Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques et au Protocole relatif à cet Arrangement).

En revanche, que deviendra la partie anglaise d’une marque européenne ? Une piste est celle de la transformation en marque nationale. Ce qui est incertain ce sont les modalités, les coûts et la durée. Autre piste, les marques de l’UE enregistrée avant le Brexit continueront d’être protégées dans le Royaume Uni après le Brexit, a minima jusqu’à leur prochaine échéance. Autre incertitude celle liée aux décisions de maintien d’une marque européenne suite à la sortie du Royaume-Uni sur la base d’un usage dans la vie des affaires au Royaume-Uni, ou du caractère distinctif acquis par l’usage au Royaume-Uni. Idem pour le caractère notoire reconnu à une marque européenne sur la base de preuves établies au Royaume-Uni.

Au regard du dessin et modèle communautaire, la loi de transposition de la directive 98/71 sur la protection juridique des dessins et modèles reste applicable après le Brexit.

En revanche, le règlement 6/2002 sur le dessin et modèle communautaire créant un titre de l’Union Européenne n’est plus applicable et pose les mêmes questions que pour la marque européenne. Pour le modèle international, le Royaume-Uni n’est pas membre de l’Arrangement de La Haye alors que l’UE est membre. Le sort de ces modèles internationaux reste flou.

Les réponses ne sont pas toutes claires et les questions sont encore nombreuses : les contrats conclus sur ces droits unitaires et ayant effet en UE (licence, coexistence…), le point sur le transit de marchandises, l’épuisement des droits, etc. Une chose est au moins certaine. Les titulaires de droits devront faire un audit de leur portefeuille de droits de propriété industrielle pour anticiper et définir une stratégie de protection et de maintien de leurs créations et innovations.


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