QUEL EFFET PLACEBO POUR LES MÉDICAMENTS NEUTRES OU SANS MARQUE ?
Apres le paquet de cigarettes neutre, l’emballage de médicament neutre ?
Selon un rapport de l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) rendu en février 2018, plusieurs erreurs de prise de médicaments liées aux noms des médicaments ont donné lieu à des effets indésirables graves, notamment en 2017. Des marques identiques, dites marques « ombrelles », désigneraient en effet des produits différents et seraient à l’origine d’erreurs pour le consommateur. Dans la plupart des cas un professionnel intervient, médecin ou pharmacien, pour distribuer les médicaments et dispenser les conseils nécessaires à leurs utilisations. Mais dans l’hypothèse posée par l’ANSM, les erreurs auraient pour origine les médicaments sans ordonnance, éventuellement accessibles en libre-service en pharmacie.
L’ANSM en conclut qu’il faut favoriser la seule référence à la molécule, à l’exclusion de la marque qui serait reléguée à un plan très annexe sur l’emballage, ce qui est actuellement le cas pour les médicaments génériques où le produit est identifié par sa molécule accompagné du nom du laboratoire qui le fabrique.
Cependant, n’y-a-t-il pas un risque plus grand encore d’erreur dans la référence à des molécules souvent totalement inconnues du public ? Le paracétamol est probablement assez connu, mais qu’en est-il par exemple de la trimébutine ? La trimébutine est la molécule du Débridat, quel nom est le plus parlant (molécule ou marque) ?
Le problème se pose également pour les médicaments génériques, dont la présentation est toujours sous cette forme «molécule + nom du laboratoire». Le nom ou la marque ont pour fonction de garantir l’origine du médicament et de permettre au consommateur de repérer un médicament qu’il recherche et de le différencier des autres produits de même nature. Le risque de confusion entre deux médicaments de la même molécule sous un nom ou une marque différent n’existe pas ou est très faible. Ainsi supprimer la marque du médicament, c’est anéantir le caractère distinctif et la valeur de la marque.
L’AFIPA, l’Association Française de l’Industrie Pharmaceutique pour une Automédication responsable, a déposé fin avril un recours devant le Conseil d’Etat contre la décision de l’ANSM, et produit en parallèle une étude montrant que les préconisations de présentation des médicaments de l’ANSM seraient source d’erreurs plus graves ou plus importantes pour le consommateur.
Pour le moment, la décision de l’ANSM ne semble applicable de manière obligatoire qu’aux médicaments nouveaux, nécessitant une Autorisation de Mise sur le Marché, puisque l’examen de l’AMM inclut un examen par l’ANSM de la marque qui sera adoptée.
Cependant, on peut craindre à court ou moyen terme une extension de ces nouvelles règles à l’ensemble des médicaments déjà commercialisés. Le risque de dévalorisation des marques de médicaments sera très important. A l’instar des fabricants de cigarettes neutres, les laboratoires peuvent craindre des actes de concurrence déloyale, des risques de contrefaçon et de nullité pour défaut d’usage de leurs marques qui parfois ont acquis par l’usage une notoriété ou une réputation importante.
Une fois encore, la marque semble donc servir de variable d’ajustement à des situations extérieures à ce droit : économie (droit de substitution du pharmacien), santé publique (paquet de cigarettes neutre), et maintenant hypothétique protection d’un consommateur peu vigilant.
Il serait temps de réfléchir enfin à tous ces problèmes de société sans systématiquement s’en prendre aux marques et aux entreprises créant de la valeur économique.
Par Sylvie CHAPPANT