LOI PACTE : Activité inventive

I – Distinction entre critères de brevetabilité v.s. motifs de rejet d’une demande de brevet français : situation actuelle

Selon le Code de la Propriété Intellectuelle, les innovations peuvent faire l’objet d’un brevet, à condition de ne pas être expressément exclues de la protection par la loi, et de répondre aux trois critères de brevetabilité que sont l’« Application industrielle », la « Nouveauté », et l’« Activité Inventive ». Ces critères de brevetabilité s’appliquent en France ainsi qu’à l’étranger.

Toutefois, aujourd’hui, l’INPI ne peut rejeter une demande, sur le fond, que pour défaut manifeste de nouveauté ou d’application industrielle. Autrement dit, l’INPI n’examine pas le respect de la condition d’activité inventive, c’est-à-dire que l’INPI ne vérifie pas si l’invention découle de manière évidente de la technique connue par l’homme du métier. L’exigence d’activité inventive est uniquement examinée en cas de contentieux, par le TGI (Tribunal de Grande Instance de Paris) ou par la Cour d’appel.

A la différence de l’examen mis en œuvre par l’INPI, la plupart des offices de brevets étrangers (e.g. l’USPTO aux USA, le CNIPA en Chine, le JPO au Japon ou encore l’Office Européen des Brevets (OEB) par exemple) examinent la condition d’activité inventive. Si la condition d’activité inventive n’est pas remplie, le brevet n’est pas délivré.

La justification de ce choix d’expulser l’activité inventive des motifs de rejet d’une demande de brevet, fait par la France, réside en pratique dans le fait que la plupart des brevets qui suscitent un contentieux est faible. Cela conduit néanmoins à des inconvénients pour les brevetés et les tiers car la valeur des brevets français délivrés est sujette à caution.

II – Nouvelle mesure prévue par la loi Pacte, ses avantages et inconvénients

Pour renforcer la « valeur » du brevet français, l’article 42 bis du projet de loi PACTE propose de modifier l’article L.612-12 du CPI, afin d’offrir à l’INPI la possibilité de rejeter une demande de brevet notamment pour défaut d’activité inventive. Cette nouvelle mesure apporterait des avantages et des inconvénients.

Avantages :

  • Brevet plus solide, moins de risque d’annulation du brevet en cas de contentieux :

Aujourd’hui plus de 75 % des brevets français dont la validité a été contestée devant un tribunal sont finalement annulés. Ce pourcentage est élevé par rapport aux brevets US et EP (e.g. 40%).

Les brevets délivrés présenteront par conséquent une valeur renforcée par rapport aux brevets actuels.

  • Valoriser le système français des brevets:

La nouvelle mesure renforcera l’examen au fond par l’INPI, et améliorera la « fiabilité » des brevets français. De plus, elle peut être considérée comme une mesure complémentaire à la procédure d’opposition également introduite par la loi Pacte. L’importance du rôle de l’INPI sera ainsi augmentée, et la charge de travail du TGI et de la Cour d’appel serait éventuellement réduite.

Inconvénients :

  • Augmentation du coût (i.e. taxes, honoraires de conseil, temps) : Il est envisageable que la nouvelle procédure de délivrance, plus exigeante, sera plus longue par rapport à celle actuelle. Les taxes officielles et les coûts liés à la procédure seront probablement plus élevés.

III – Questions ouvertes:

Plusieurs questions, à la fois juridiques et économiques, se posent suite à la mise en place de cet examen renforcé par l’INPI :

  • Examen indépendant fait par l’INPI ? Suivi de l’avis de l’OEB ?

A l’heure actuelle, si une demande de brevet est déposée auprès l’INPI, c’est en fait l’OEB qui réalise un rapport de recherche accompagné avec d’une opinion sur la brevetabilité de l’invention revendiquée. Avec l’absence d’examen de l’activité inventive par l’INPI, la procédure de délivrance française est très dépendante de l’avis de l’OEB.

Après la mise en œuvre de la loi Pacte, on peut prévoir que la procédure de délivrance française se détache de l’avis de l’OEB, mais la question réside dans le niveau d’indépendance de l’examen français par rapport à l’avis de l’OEB. Est-ce que l’INPI suivra toujours l’avis de l’OEB sur l’appréciation de la nouveauté et de l’activité inventive de l’invention, ou sera-t-il en mesure de développer de nouveaux arguments, voire effectue de nouvelles recherches d’antériorités ?

  • Désignation directe de la France dans les demandes internationales PCT (Patent Cooperation Treaty) ?

Aujourd’hui, à la différence de pays européens comme l’Allemagne et le Royaume-Uni qui permettent déjà une désignation directe dans les demandes PCT, l’article L.614-24 du CPI empêche la France d’être directement désignée à partir d’une demande PCT. Ainsi, le seul moyen d’obtenir un brevet français à partir d’une demande PCT consiste à passer par l’examen d’une demande de brevet européen.

La nouvelle mesure proposée par la loi Pacte, en renforçant la valeur de l’examen français, est-elle un premier pas vers l’ouverture de la voie nationale directe à partir des demandes PCT ?

  • Budget augmenté ? Taxes augmentées ?

L’augmentation du nombre d’examinateurs apparaît comme essentielle à cette réforme. Les frais de personnel, y compris au moins la masse salariale et les frais de formation, devraient largement augmenter. Est-ce que l’Etat va financer une hausse du budget de l’INPI, au moins temporairement ? Les taxes officielles sont-elles appelées à augmenter pour financer une hausse des coûts attachés à l’examen par l’INPI ? Toutefois, il n’est pas prévu, à ce jour, d’augmentation du budget de l’INPI…

Wei-Ru CHEN & Jean-Christophe DORDAIN

 

 

 

 


À lire ensuite

A la rencontre de l’innovation

I – Distinction entre critères de brevetabilité v.s. motifs de rejet d’une demande de brevet français : situation actuelle Selon le Code de la Propriété Intellectuelle, les innovations peuvent faire l’objet d’un brevet, à condition de ne pas être expressément exclues de la protection par la loi, et de répondre aux trois critères de brevetabilité que …

En savoir plus ...

Loi PACTE : Opposition au brevet français

I – Distinction entre critères de brevetabilité v.s. motifs de rejet d’une demande de brevet français : situation actuelle Selon le Code de la Propriété Intellectuelle, les innovations peuvent faire l’objet d’un brevet, à condition de ne pas être expressément exclues de la protection par la loi, et de répondre aux trois critères de brevetabilité que …

En savoir plus ...